Delphine Ciavaldini : « Icibas » Une installation toute en ruban

Posté le 5 avril 2022

 

La biennale Internationale de design de Saint-Etienne vient d’ouvrir ses portes, pour cet événement le Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne a commandé une production spéciale à l’artiste Delphine Ciavaldini. Cette œuvre se déploie dans l’escalier central du musée. Dès l’entrée, les visiteurs sont submergés par une œuvre majestueuse et colorée où les rubans se tendent, se suspendent, se froncent, pour nous perdre dans un univers chatoyant et foisonnant. L’artiste issue des métiers de la scène et du costume, nous présente son installation nommée « Icibas »composée de 3200 mètres de rubans Satab – ref 0422 (offert dans le cadre de notre partenariat).

A découvrir de toute urgence du 6 avril au 31 juillet 2022.

 

Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Delphine Ciavaldini au sujet de son œuvre.

Satab : Quelle est votre démarche artistique ?
Delphine Ciavaldini : C’est vaste, cela fait 28 ans que je travaille pour le spectacle vivant. Mon premier métier était costumière d’où l’affinité avec le textile. A présent, quand je ne fais pas de l’art contemporain, je suis la plupart du temps scénographe d’où l’affinité avec l’espace et traitement de l’espace.
Ma démarche est très souvent liée aux réflexions liées à l’écologie de façon très large.

 

Satab : Pourquoi utilisez-vous les rubans dans vos créations ?

D.C : C’est une demande spécifique de la commissaire, ce n’est pas du tout une démarche systématique. La commissaire avait vu une précédente pièce qui utilisait beaucoup de rubans, parce que je voulais mettre en scène la fête. J’avais utilisé des rubans en les laissant choir par terre, comme si c’était une fête déchue.

En fait, les caractéristiques de mon travail, sont d’utiliser des éléments simples du quotidiens, utilisés dans leur grande pluralité. Un élément simple vous pouvez le « recoder » facilement. Par exemple une chaussure à talon aiguille est un élément complexe, un ruban, une cravate, un crayon sont des éléments simples. Mettre en place une séquence d’éléments simples, va permettre de se dire autre chose, selon la façon dont vous allez les agencer.
Là (dans l’œuvre présentée pour la biennale Internationale de design), vous êtes dans de la scénographie pure et dure, avec très peu de choses, des éléments simples ont induit une pensée, une sensation.

 

 

Satab : Comment utilisez-vous les rubans ?
D.C : J’utilise les rubans comme de la peinture, comme si vous faisiez un trait au crayon. Le ruban uni a un côté signalétique très fort. Cela permet de faire un trait d’un crayon, de faire de la peinture en même temps que de la signalétique.

 

Satab : Parlez-nous de votre œuvre ?
D.C : Icibas est une installation composée de kilomètres de rubans de satin. Elle investit le grand escalier du musée et ouvre un dialogue avec son caractère monumental et minéral. L’installation s’appuie sur l’ostentation de l’architecture et l’ascension du visiteur. Au rez-de-chaussée, la pièce évoque un espace végétal, une jungle, une forêt ou un sous-bois. Le satin y est souple et chaleureux. Entre les deux colonnes et en écho à elles, une fontaine ou un gisement multicolore. On peut y voir toutes les couleurs des fleurs, des récoltes, des ressources offertes par la nature. Ce gisement ne va pas jusqu’en haut et s’interrompt avant les colonnes. Les lianes qui habillent l’escalier sont dans un camaïeu de vert qui jaunis au fur et à mesure que l’on monte. La forêt ne se poursuit pas en haut de l’escalier, les lianes vertes y sont remplacées par des flammes. Le déploiement de l’opulence et le fait de disposer des moyens de sa mise en œuvre a pour un temps rattrapé toute autre considération. Depuis le bas la source semble intarissable, l’accès à l’instantanée profusion irrépressible. En haut de l’escalier tout s’est rabougri et les couleurs consumées laissent apparaître les revers du procédé. C’est grandiose quand on monte et en haut c’est terminé, on a trop chauffé.

 

Satab : Pour vous quelle est la définition du mot ruban ?
D.C : Je crois que le ruban fonctionne pour moi davantage en terme d ‘évocation que de définition. Qu’il soit associé à un vêtement ou à un décor, il est dans les deux cas emprunt d’intimité. Il induit de la délicatesse et de la sophistication, du soin et de l’attention. C’est ça qui est toujours captivant avec l’ornement, c’est que cela en dit beaucoup plus long que la simple définition factuelle de l’objet. Dans le cas du ruban, c’est le contexte qui permet à telle ou telle signification de se déployer. L’aspect charnel et sensuel sera évident si c’est un ruban fin et soyeux associé à l’ encolure d’un vêtement et la sophistication sera doublée de préciosité s’il est associé à de la tapisserie ou de l’ameublement. C’est en quelque sorte un enrichisseur de vocabulaire visuel car il permet tout un tas de nuances suivant l’endroit et la manière dont il est disposé.

 

Un dernier mot ?
D.C : Merci !

 

 

Qui est Delphine Ciavaldini ?

Delphine Ciavaldini est originaire du spectacle vivant et pratique les métiers de la scène depuis 25 ans. Cette orientation, qui a commencé par les costumes et accessoires, a bifurqué au fil du temps vers la scénographie et la mise en scène. L’appréhension de l’espace et sa dramaturgie a très fortement influencé sa pratique de plasticienne. Depuis 2012 elle propose des installations qui s’apparentent à des environnements. Le visiteur qui les traverse et se meut dans les pièces devient un peu plus qu’un spectateur. L’espace est donné en expérience, la circulation permet d’y mêler les enjeux et pensées personnelles ainsi que les consciences et mémoires collectives. Delphine Ciavaldini construit ses installations avec des matériaux usuels ayant déjà servi et les « recode » afin qu’ils nous disent autre chose de notre quotidien, des liens qui nous unissent aux nécessités qui nous définissent.